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Métiers du sonTémoignages

{PAROLES DE PRO} FRANCK VERJUX : SOUND DESIGNER

Le guide 2019 – tant attendu par les futurs étudiants qui se destinent aux métiers du numérique – vient de paraître. Vous trouverez dans cette nouvelle édition, l’interview ci-après de Franck Verjux, Professeur au sein de L’IDEM, en qualité d’illustrateur musical et sound designer.

  • Votre parcours en quelques mots ?

J’ai un parcours pluri-disciplinaire, artistique d’une part en musique électronique depuis 1991 et en parallèle, prestataire illustrateur musical et sound designer pour la fiction, la communication, la muséographie, l’événementiel ou encore le spectacle vivant avec des instrumentations majoritairement symphoniques, je suis également concepteur en ingénierie multimédia, c’est à dire tout ce qui concerne l’intégration et la synchronisation des composantes son multi-diffusion, projections, éclairages et automatismes dans le Spectacle Vivant. Je possède ma propre entreprise dédiée à ces types de travaux, «Le Pôle Créatif», avec laquelle je réalise des contrats pour des institutions comme l’UNESCO, l’Europe, l’État français (…) et des entreprises comme Airbus, la SNCF, Leclerc (…), des compagnies de spectacles comme le collectif MxM, Nihil Bordures, La Part Manquante (…) ; et ce depuis 2001.

  • Un Sound designer est-il un musicien ?

À l’origine non, mais le métier tend à évoluer dans cette direction. Par exemple, le jeu vidéo demande de plus en plus à ce que l’univers dans lequel on se retrouve soit une expérience immersive complète et donc, afin d’obtenir cette sensation que tout soit bien intégré, pour avoir un gameplay sans accroc. On harmonise maintenant jusqu’aux ambiances et aux effets ajoutés en terme de tonalité, il s’agit donc bien de musique. Dans le domaine cinématographique cela évolue également, le SFX (effets sonores) est de plus en plus présent pour introduire les films dans les teasers et trailers et il devient une composante musicale lui aussi. De grands noms comme Ben Burtt, Sound Designer de Star Wars, travaillent en collaboration avec les compositeurs, en l’occurrence John Williams, pour harmoniser la bande son comme une partition totale. Et, d’une manière générale, évoluer dans le domaine du son sans connaître un minimum la musique n’est pas, à mon sens, cohérent.

  • Comment créez-vous les sons nécessaires aux productions sur lesquelles vous travaillez ?

Pour les foleys ou les bruitages, la source est toujours la prise de son, avec les mêmes objets que l’on voit à l’écran ou avec des objets dont le son correspond à ce que l’on est censé entendre de l’objet en question. Par exemple, c’est un luxe d’aller échantillonner des blocs de banquises qui grincent, cependant en travaillant une prise de son de manipulation de polystyrène on peut arriver à un résultat satisfaisant. Il y a énormément d’autres « astuces » que les foleys artistes connaissent bien, les bandes de K7s à froisser pour la sensation d’herbe, le bacon qui frit pour la pluie etc …

Pour les univers oniriques ou de science-fiction, pour tous les univers qui ne sont qu’imaginaires, les sons sont généralement un mélange de prises de sons, de tout type, transformées à l’aide de logiciels audio-numériques et complétées par de la synthèse (des créations de sons faites sur des synthétiseurs, hardware ou software). C’est souvent le mélange de ces différentes sources qui donnent le meilleur résultat.

  • Les sound designers sont-ils généralement embauchés en CDI ou plutôt en freelance ?

Le statut dépend essentiellement de la taille et de l’activité de l’entreprise. Les plus grandes entreprises ont leur service de Sound design dédié, parfois leur studio de foley et d’enregistrement également. La plupart du temps dans les productions de taille moyenne ou de petite taille, on est appelé pour réaliser un contrat, soit en CDD d’usage, intermittent ou non, soit sous forme de facturation lorsque l’on travaille à son propre compte. Chacun a ses avantages et ses inconvénients, j’ai parcouru tous ces statuts, employé, intermittent et maintenant entrepreneur avec ma propre structure ; c’est une affaire de choix de vie. Le confort de la liberté d’action se compensant généralement en terme de stress du maintien d’activité.

Au-delà du statut, c’est un métier où l’on rencontre énormément de gens intéressants, sensibles, cultivés, créatifs bien sûr (…) et c’est une aventure humaine enrichissante à chaque fois, j’en conserve encore au fil du temps de solides amitiés.

  • Comment réussissez-vous à produire des sonorités originales et pourtant « réalistes » ou reconnaissables ?

Le Sound designer est responsable de l’habillage sonore. Il capte, enregistre, crée, réalise et caractérise les bruitages, les sons, les ambiances, pour un jeu vidéo, un film, une émission télé (…) et retranscrit l’ambiance voulue par le game designer, le réalisateur (…). Le Sound designer est chargé de créer un environnement sonore réaliste à l’instar d’un bruiteur ou de créer lui-même un environnement sonore crédible même, si il est parfois totalement imaginaire ! Par exemple, dans les domaines du jeu vidéo ou de la science-fiction, il doit, en accord avec le gameplay ou le scénario, le graphisme et l’animation, créer des matériaux sonores propres à l’univers imaginé : bruits de pas, claquements de portes, hurlements, détonations, explosions, cris, impacts, sons d’environnements de machines …

Ben Burtt nous a donné de très bonnes directions de travail pour réussir à donner du réalisme à nos sons. Alors qu’à l’époque, les Sound designers utilisaient principalement des générateurs de fréquences, équivalents de nos synthétiseurs actuels, pour réaliser les sons futuristes des films tel « Planète interdite », Ben Burtt pour « Star Wars » a mêlé prise de son réelle, manipulation audio et synthèse.

  • Quelles industries font le plus appel au sound designer ?

Les industries du jeu vidéo, de l’audiovisuel (de fiction ou de communication) et du cinéma sont les industries les plus demandeuses en terme de Sound design. Le jeu vidéo demande une création complète et cohérente pour un univers crédible. L’audiovisuel de fiction ou le cinéma demande un travail de foleys principalement, et là le Sound designer est essentiellement bruiteur. La communication quant à elle a besoin du Sound designer pour réaliser des SFX, des virgules, des impacts, bref tout ce qui dynamise l’animation ou le propos.

Le métier a le vent en poupe, on peut le constater aisément dans les trailers ou dans les bandes sons des séries, chaque passage de séquence est maintenant souligné par un SFX. Le jeu vidéo est une industrie qui dépense des budgets colossaux, équivalents ou supérieurs au cinéma, et là, pour nous, tout est à créer de toute pièce !

©L'IDEM 2019